Perspectives anarchisantes dans les arts et sciences sociales : questions et débats sur l’imaginaire de «l’ingouvernabilité»
Lieu : Médiathèque de Charenton-le-Pont, Charenton-Le-Pont
Colloque international coordonné par Rémi Astruc, laboratoire CY HERITAGES
Dans les pays occidentaux comme au-delà, les mouvements sociaux des dix dernières années ont notamment mis au goût du jour un certain nombre de pratiques qui rompent avec celles de la tradition contestataire institutionnalisée: mouvements issus directement des populations et non de corps constitués (à l’écart des corporations, partis ou syndicats), occupations des places et des rues, actions coup-de-poing (pour Extinction Rébellion par exemple), organisation en marge des institutions et des leaders (Gilets jaunes), mouvements sans revendications précises (Nuit debout: « nous ne demandons rien ») ou demande de démocratie participative (RIC), etc. Le point commun de ces formes extrêmement diverses est sans doute le rejet des formes de la « politique » classique, soit de l’organisation dominante de la démocratie représentative (État, partis, élections), pour les contester dans ce que nous pourrions rassembler sous le terme de « pratiques pirates ». Assisterait-on alors, en ce premier quart du XXe siècle, à un moment « anarchiste » (d’après un concept qui reste à définir), après le moment marxiste, dans la lutte contre la gestion néo-libérale du monde et les méfaits du capitalisme ?
Ce colloque vise à prendre au mot le constat de Graeber pour essayer de réfléchir, avec d’autres, à ce que supposent, manifestent et ambitionnent les « perspectives anarchisantes » qui se reflètent tant dans les pensées et pratiques que dans les théorisations situées implicitement ou explicitement dans cet horizon de réflexion interdisciplinaire. Cela implique notamment de penser, dans les arts et les études littéraires, mais aussi les sciences sociales et la philosophie, cet « imaginaire de l’ingouvernabilité » illustré par : la méfiance envers les institutions; la coopération plutôt que la compétition; le refus de l’autorité surplombante; les tentations et tentatives de désertion, de guérilla, de sabotage, de désobéissance voire de trahison; l’accent mis sur le collectif plutôt que l’auteur-génie; le recours à une certaine violence (ou tout du moins le conflit et l’antagonisme) plutôt que le consensus; la communauté avec ou contre l’individu; le « vivre sans » (police, travail, argent) comme utopie; la dynamique autonomie / hétéronomie; etc. Cela engage également à méditer et discuter les soubassements ontologiques (la composition de la réalité sociale), les présupposés épistémologiques (les méthodes réflexives et critiques à l’œuvre chez les acteurs) et les orientations normatives (les principes d’égalité, de liberté ou de justice censées gouverner la transformation du réel) qui structurent ces « perspectives anarchisantes » à titre de condition de possibilité et de manifestations concrètes.
Les points d’entrée dans le colloque pourront donc s’effectuer à partir de multiples et complémentaires interrogations et disciplines, toutes reliées à la compréhension des tendances contemporaines : mouvements sociaux, courants de pensée, œuvres et auteurs, exprimant à divers degrés des « perspectives anarchisantes » sur la démocratie, le politique, les institutions, l’égalité, la liberté, la communauté, l’association, l’individu, etc.
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